pour les enfants qui ont du mal à lire ou qui n'aiment pas lire

Catégorie : édito

Librairie en pause

La librairie en ligne tout lire est actuellement en pause, pour des raisons techniques (le format de nos livres est peu pris en compte par les grandes plateformes de distribution). D’autres solutions sont à l’étude.
Les contes de ma mère l’Oie, en français d’aujourd’hui, sont en revanche toujours diffusés. Pendant la période de confinement, nous avons baissé son prix à 0,99€ (au lieu de 3,90€).
Ce recueil s’adresse aussi bien aux jeunes lecteurs qu’à leurs parents et grands-parents qui voudraient leur en faire la lecture (sans se heurter à des problèmes de vocabulaire ou de constructions de phrases complexes), qu’à tous lecteurs, y compris ceux qui débutent en français.

13/11/15

Ne voir dans les contes de fées qu’un divertissement est une erreur. Issus de la tradition orale, ils se sont perpétués parce qu’ils nous aident à réfléchir. Ils le font d’une manière simple, mnémotechnique, en proposant des jalons faciles à retenir, des analogies si extravagantes qu’elles peuvent être adaptées à chaque situation.
N’oublions pas que les contes partagent également cette particularité d’avoir été nos premières lectures – des lectures qui nous ont été faites. Parent ou maître, une personne en qui nous avions confiance, nous a invité à arrêter nos activités, à nous asseoir, à rester calme, à écouter. Il a pris un livre, l’a ouvert, l’a observé, a commencé à lire, lentement. Le moment était important, nous le savions. Une porte s’est alors ouverte sur un monde, infiniment renouvelé.
Plus tard, nous avons pensé avoir tout oublié, ou n’en avoir retenu que de rares bribes enfantines. Mais toutes ces histoires 
nous habitent encore, elles n’ont jamais disparu. Elles ont contribué à façonner progressivement notre perception du monde. Si nous acceptons assez volontiers l’idée que les contes de fées nous aident à domestiquer nos peurs, nous devons reconnaître qu’ils font bien plus que cela. Les contes nous aident à penser le monde, et à y trouver notre chemin.
Ainsi, le Loup du Petit Chaperon rouge peut prendre bien des aspects, comme il peut tenir bien des discours. Les jeunes filles naïves ne sont pas les seules à se faire prendre, à négliger les mises en garde, à trahir les leurs, à se livrer, corps et âme… Bien des garçons gagneraient à se souvenir de ce conte quand, loin des leurs et sans repères, ils rencontrent un beau parleur qui les invite à se glisser vaillamment dans le linceul de ses mensonges.
 Le_petit_Chaperon_rouge_Gustave_Dore
J’ai passé ces terribles journées en me répétant que mes enfants sont en danger, et que je n’y peux rien. Mais je me suis trompé. Si je ne peux pas empêcher un homme d’attenter à leur vie, je peux essayer d’empêcher un enfant de devenir cet homme.
Du conte de fées au roman, je ne connais pas de meilleures ouvertures pour y parvenir.
Jean-Claude Marguerite

le conte : “réalité du virtuel, virtualité du réel”

Bachelard, parlant de la fiction littéraire, explique et justifie pourquoi il ne faut pas édulcorer les contes de fées : la lecture est un apprentissage de la vie, elle aide à domestiquer la peur, nos peurs. Encore faut-il que cette lecture soit « valorisée par l’intérêt littéraire… »

« Mais la meilleure preuve de la spécificité du livre, c’est qu’il est à la fois une réalité du virtuel et une virtualité du réel. Nous sommes placés, lisant un roman, dans une autre vie qui nous fait souffrir, espérer, compatir, mais tout de même avec l’impression complexe que notre angoisse reste sous la domination de notre liberté, que notre angoisse n’est pas radicale. Tout livre angoissant peut alors donner une technique de réduction de l’angoisse. Un livre angoissant offre aux angoissés une homéopathie de l’angoisse. Mais cette homéopathie agit surtout dans une lecture méditée, dans la lecture valorisée par l’intérêt littéraire… »
(Extrait de La Poétique de la rêverie, 1960, Gaston Bachelard).

C’est parce que les transpositions affadies des contes traditionnels ne donnent, au mieux, que d’agréables et éphémères divertissements, que “tous lire” a choisi de réécrire fidèlement ces contes, en déconstruisant l’histoire pour la reconstruire d’une manière plus accessible aux enfants qui ont du mal à lire, sans en modifier les enjeux. Car tout ce qui est livre n’est pas littérature. Et trop de livres pour enfants passent sans laisser d’empreinte.

Perrault_Dore_Peur

Gustave Doré illustre Les Contes de ma mère l’Oye de Charles Perrault.

“tous lire” propose une version “actualisée” des Contes de ma mère l’Oie, en français d’aujourd’hui, en formats ePub et Kindle (et sans DRM), destinée aux enfants qui savent lire, aux parents et grands-parents qui ne veulent plus buter sur un mot, une expression, aux étrangers à la recherche de classiques faciles à lire.

France : 1 jeune sur 10 en difficulté de lecture

La Journée Défense et Citoyenneté 2014 a permis de relever que :

Les acquis en lecture sont très fragiles pour 9,6 % de jeunes de 17 ans qui, faute de vocabulaire, n’accèdent pas à la compréhension des textes.
Les jeunes les plus en difficulté représentent 4,1 % de l’ensemble. (…) Ils peuvent être considérés en situation d’illettrisme, selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI).

750 000 jeunes de 17 ans ont été évalués. Seuls 82 % sont considérés comme lecteurs efficaces.
Ramenés à une classe de 25 élèves en moyenne, cela donne plus de 4 élèves par classe en difficulté, dont 2 ou 3 en grande difficulté, dont 1 d’illettré…

Devant ces données accablantes, la seule question qui importe est de se demander quoi faire pour que ces jeunes ne soient plus exclus de la lecture. Ne croyant pas aux solutions uniques, universelles ou miraculeuses, j’aurais tendance à opter pour un dispositif diversifié, qui intègre des outils pour rendre la lecture plus attrayante…

De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins…

Fin du test. Premières publications.

Nouvelle étape pour le projet “tous lire” : ne plus en être un… Franchir le pas est une nécessité, une évidence : la réussite du test Trois contes montre que notre approche répond, souvent avec un bel enthousiasme, à des attentes. Rendre nos ouvrages accessibles à tous s’impose. Restait à déterminer comment et par lesquels commencer.
Nous sommes profondément attachés à la notion d’expérimentation, de laboratoire d’idées. Nous souhaitons maintenir ce lien enrichissant avec les lecteurs, à la recherche des améliorations qu’ils pourront nous proposer, quitte à nous remettre en cause, afin d’en faire bénéficier chacun. Cette politique de mises à jour permanente (et gratuite) n’est guère envisageable avec une édition papier, mais le numérique l’autorise. D’où le choix de privilégier le PDF  interactif (et, mais dans une moindre mesure, de l’ePub, en attendant l’essor de l’ePub3), temporaire. Quand les choses nous sembleront suffisamment fixées, nous passerons au papier.

Notre première collection résulte de cette ouverture : notre premier livre ne sera pas celui que nous avions prévu…
Nous envisagions de publier d’abord une série de recueils sur le modèle de Trois contes, mais une analyse des motivations des testeurs et de leurs commentaires nous a permis de dégager une attente de lecture accompagnée, qui nous a semblé importante, et donc prioritaire. Ce sont les enseignants, puis les orthophonistes et logopèdes qui ont le plus réclamé de participer au test de Trois contes, et pas seulement pour de jeunes dys, mais pour des primaires et des collégiens, des adolescents et des adultes, lecteurs en difficulté d’apprentissage, autistes, illettrés, malvoyants, malentendants… Par ailleurs, la plupart se sont servis d’écrans d’ordinateur pour faire lire notre test.

Voilà ce que nous en avons retiré :
Cette première collection doit avoir un format qui correspond à l’usage : en l’occurrence, le format paysage, horizontal, des écrans. De la tablette au 27”, de quoi adapter la taille des caractères…
Cette collection s’adresse à des publics variés, qui réclament des aides différenciées par la mise en forme du texte. Nous proposons donc plusieurs présentations du même conte. La première reprend le protocole “tous lire”, comme dans Trois contes. Une autre se base sur celle-ci, mais les syllabes sont colorées, les muettes grisées, les principales liaisons signalées – offrant un pont entre l’oral et l’écrit. La dernière reprend la première, toute en noir, mais en « grands caractères » (et selon l’approche du protocole “tous lire”).

Trois contes seront proposés d’ici la fin du mois, dont les titres seront révélés ce vendredi dans le cadre d’un partenariat avec #VendrediLecture (cinq exemplaires de chaque seront tirés au sort parmi ceux qui auront signalé sur Twitter leur lecture en cours). D’autres annonces suivront…
À vendredi !

Impliquez-vous : “tous lire” est sur ulule

Trois contes rencontre un vrai succès : vous êtes plus de 200 à avoir demandé à participer à ce test grandeur nature. Les premiers retours sont plus qu’encourageants, et utiles : Trois contes en est à sa quatrième version (chaque fois, des retouches de détail, mais de ces détails qui font la différence).

D’autres évolutions sont à l’étude, notamment liées à l’ergonomie (autant en livre numérique que physique),  mais aussi au texte. C’est le cas de la « lecture progressive », entreprise de déconstruction de l’histoire pour la proposer en trois versions successives, la dernière se rapprochant du conte originel dans une présentation préparant le lecteur à un ouvrage classique. Des tests seront nécessaires pour valider et enrichir cette approche. Mais surtout, il s’agit d’illustrer la première version (la version « adaptée », comme dans Trois contes) selon une approche similaire. Ce protocole iconographique n’est pas figé, il doit lui-même être testé. Tout cela a un coût, les seules bonnes volontés ne suffisent plus.

Pour financer cette étape expérimentale, nous avons choisi de vous impliquer. Vous pouvez contribuer à faire avancer les choses en vous rendant sur la plate-forme de financement participatif ulule. En “investissant” sur notre projet éditorial, vous aurez bien sûr droit à des contreparties : nos prochaines publications (dont des versions hors commerce), des rencontres pour discuter du projet et découvrir ses avancées, des livres (physiques) d’amis écrivains qui croient à “tous lire”. Mais, surtout, nous irons plus vite, nous irons plus loin.

Grâce à votre soutien, et en invitant vos proches et relations à en faire autant, nous allons offrir à des enfants des « outils » pour partager avec le bonheur de lire. Parce que lire ne doit pas rester un privilège.

 

« tous lire » : pourquoi les contes de fées ?

« tous lire » s’appuie sur les contes traditionnels parce qu’ils sont la porte de toutes les bibliothèques. Neil Gaiman, dans le fascicule gracieusement diffusé par les éditions Au diable vauvert, «Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination» (certainement la meilleure contribution au projet « tous lire » que j’ai rapportée de Montreuil…), conclut :

On a un jour demandé à Albert Einstein comment nous pouvions rendre nos enfants plus intelligents. Sa réponse a été à la fois simple et sage. «Si vous voulez que vos enfants soient intelligents, a-t-il dit, lisez-leur des contes de fées. Si vous voulez qu’ils soient plus intelligents, lisez-leur plus de contes de fées.»

Il comprenait la valeur de la lecture, et de l’imagination. J’espère que nous pourrons donner à nos enfants un monde dans lequel on leur fera la lecture, où ils liront, imagineront et comprendront.

« tous lire » n’a pas d’autre ambition que d’y contribuer.

Couverture du recueil "Trois contes"

On remarquera également qu’Albert Einstein dit et répète « lisez-leur », et non « faites-leur lire ». Les versions adaptées, telles que dans Trois contes, se prêtent à la lecture à voix haute (les fins de lignes correspondent à des pauses naturelles, l’intrigue est découpée par pages). Plusieurs associations de lecture et bibliothèques participent au test, nous attendons leur retour avec impatience…

Lire ne doit pas rester un privilège

Je suis heureux que l’un des grands débats de l’année écoulée ait pris le parti de nos amis libraires. J’en suis heureux, mais je n’en suis pas fier. Imposer à leurs concurrents en ligne de facturer les frais de port — une taxe de 0,01€ pour l’envoi d’un paquet de livres – était-elle la priorité la plus susceptible d’attirer un large public dans les librairies ?

Qu’a-t-on fait pour aider les enfants en difficulté d’apprentissage de la lecture ? Qu’a-t-on fait contre l’illettrisme ? Qu’a-t-on fait pour convaincre les non-lecteurs d’ouvrir un livre ?

Pourtant, ces questions concernent respectivement 10, 15 et 33% de la population française. Et encore, ces chiffres ne se rapportent qu’aux cas reconnus comme tels — s’y ajoutent ceux qui n’aiment pas trop lire, ce qui n’ouvrent qu’un livre dans l’année et ne le finissent pas nécessairement…

Pourquoi les délaisser? Tout le monde aime les histoires, et la littérature reste le meilleur facteur d’émerveillement. Et nous le savons bien, nous qui lisons avec facilité: qui a découvert le plaisir de lire n’en démord plus…

Lire ne doit pas rester un privilège. Quitte à penser autrement le livre, quitte à le repenser de fond en comble pour ceux qui n’ont pas la chance de pouvoir ou d’aimer lire. Lire ne peut pas rester un privilège.

En tant que lecteur, que parent, qu’auteur et qu’éditeur, ma résolution 2015: que nous puissions tous lire.

Belles lectures à tous. À vraiment tous.

devore-des-livre-gp

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